« Allô Quentin ?
- Oui, qui est-ce ?
- C'est Mathilde, je ne sais pas si tu te souviens de moi, on ...
- Julie.
- Oui, Julie... D'ailleurs, c'est à propos d'elle que je t'appelle. Je ne sais pas si j'ai bien fait, tu ... enfin, je pense qu'il faut que tu le saches. Elle, euh... elle est morte avant-hier. Elle a eu un accident, un camion l’a renversée.
Silence.
- Je suis désolée de t'annoncer ça comme ça, mais je pensais que tu voulais être au courant. Les obsèques sont demain à 15 heures.
Nouveau silence.
- Quentin ?
- Oui, euh... Où ça ?
- Ah, à Epernay, elle vivait toujours à Lille, mais ses parents ont préféré ramener son corps, c'était plus simple pour eux.
- Oui, je comprends, je viendrai. Je... Je dois y aller, à demain.
- Oui, bien sûr, à demain. »
« C'était qui, chéri ? »
Je venais de recevoir le coup le plus puissant de ma vie. Morte. Julie était morte.
« Houhou, il y a quelqu'un ? C'était qui ?
- Oh, euh, j'ai appris qu'une ancienne amie est morte.
- Oh, mon pauvre chéri, je suis désolée. Vous aviez gardé contact ?
- ... Mm ? Non. Non, je ne l'ai pas vu depuis 16 ans. »
Je me levai d'un coup, plus vraiment conscient de ce que je faisais, et entrai dans la chambre.
« Qu'est-ce que tu fais ?
- Mes bagages.
- Et je peux savoir pourquoi ?
- Dis aux filles que je ne rentrerai pas avant quelques jours.
- Quelques jours ? Mais enfin, on avait prévu de...
- Je m'en fous Caroline ! Je ne peux pas rester, je dois y aller. »
Mon sac bouclé, je me précipitai vers l'ordinateur pour réserver un billet de train.
« C'est Julie hein ?
- Quoi ? Comment tu peux... Je ne t'ai jamais parlé d'elle.
- Oh, pas besoin de ça, j'ai eu quelques indices tu sais... Du genre quand tu susurres son prénom quand on fait l'amour, où quand tu le cries en dormant, et même quand je te surprends dans la salle de bain en train de parler d'elle dans le miroir : "Je suis désolée Julie, pardonne-moi... " Mais enfin, je peux savoir qui c'est cette fille ?
- L'amour de ma... jeunesse.
- Bien sûr, suis-je bête ! C'est évident ! Mais merde à la fin, je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais elle est morte maintenant, il serait temps que tu lui foutes la paix !
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, alors ferme-la !
- Très bien, tu l'auras voulu. Je ne dirai rien aux filles. Démerde-toi ! »
Et je sortis de l'appartement en claquant la porte, juste pour la forme.
Je n'avais pas remis les pieds en Champagne depuis très longtemps. Ce bon vieux lycée n'avait pas changé. Le commencement de tout. De la période la plus heureuse de ma vie. Et de la plus triste aussi. Notre rencontre...
« Tu viens mec, on va au casier ?
- J’y suis déjà allé, mais allez-y vous, je vous attends là, je ne m’envolerai pas.
- Ok, fais comme tu veux. Et toi Julie ?
- Mon sac est là, j’y suis allée en sortant de la cantine.
- Bon ben c’est tout, allez vous faire voir tous les deux ! Pour une fois que je veux être gentil !
- Mais tu es tout le temps gentil mon Thibault, il n’y a pas plus parfait que toi ! Tout le monde le sait !
- C’est pas faux.
- Bon alors Thibault, qu’est-ce que tu fous ?
- Oui, j’arrive ! Je suis tellement demandé !
- C’est ça ouais. »
Seuls, à la même table. Enfin. Je fais quoi maintenant ? Merde, elle me regarde. Sourire. C’est un bon début. Putain, j’ai l’impression d’avoir 12 ans, c’est quoi ce stress de merde ?
« Salut, moi c’est Julie.
- Quentin. »
Oh son sourire…
« Je ne savais pas que tu connaissais Thibault.
- Si, je… C’est grâce à Clément. Lui par contre je ne sais pas trop comment je le connais. Il est venu me parler un jour j’ai jamais compris pourquoi.
- Ah Clément… Ce gars est un mystère à lui tout seul.
- Je ne te l’fais pas dire ! »
Encore ce sourire…
Dès que je vis le cercueil dans l’église je compris que je ne pourrais pas tenir une minute là dedans. J’allai donc écrire un mot dans le registre, et sortis.
Cela faisait horriblement longtemps que je n’avais pas eu cette putain d’envie de fumer.
« Je croyais que vous aviez arrêté.
- Hein ? Oh salut Mathilde. Oui, on avait arrêté. On s’était fait une promesse. Mais il n’y a plus de on qui tienne maintenant, alors…
- Je ne pensais pas que tu viendrais. Je veux dire, tu habites loin maintenant et…
- Je ne pensais pas venir non plus, je suis parti d’un coup. D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi je suis là. Ça fait 16 ans…
- Besoin d’un remontant ?
- Plus que jamais.
- Viens chez moi, j’ai des choses à te dire. »
Le cercueil passa les deux portes, au milieu de la place, je ne voyais que lui. Qui m’appelait.
« Ouais, je te suis. »
« She’s a killer queen, gunpowder, gelatine
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- C’est le plus beau déhanché que je n’ai jamais vu devant une table à repasser !
- Et encore, celui là était pour le voisin d’en face, t’imagines même pas ce que je peux faire rien que pour toi.
- Mm… c’est assez tentant, mais la voisine d’en face en a un sacré bon aussi.
- Ah ouais, mais je suis certaine que je te fais des trucs qui la feraient rougir rien que d’y penser.
- Hep, ne t’approche pas trop, tu as cours dans quinze minutes.
- Quoi ? Merde ! Tu n’aurais pas pu le dire plus tôt !
- Non, ton cul est magnifique quand tu cours.»
« Assieds-toi. Gin ?
- Parfait. »
Claquement de verres. J’avais envie de me griser le cerveau, de ne plus savoir ce qu’il se passait autour de moi, de tout oublier. A jamais.
« Je veux tout savoir.
- C’est bien pour ça que tu es là. D’un côté il n’y a pas grand-chose à dire et de l’autre je ne sais pas par où commencer.
- Par le début, ça serait plus simple.
- Si tu y tiens… »
« Laisse-moi te lécher de la tête aux pieds. Laisse-moi me consumer entre tes bras. Prends-moi. Dévore-moi. Baise-moi comme une bête sauvage. Fais-moi voyager. Envoie-moi à l’autre bout du monde d’un coup de rein. Fais-moi naviguer avec ton va-et-vient. Fais-moi trembler. Pénètre-moi à ce que j’en oublie mon nom. Aime-moi ».
« La première chose à savoir, et je pense que tu t’en doutes déjà, c’est qu’elle ne s’est jamais vraiment remise de votre rupture. Quand tu es parti, après votre séparation, elle essayait de se convaincre que c’était mieux ainsi, mais au fond tout a basculé en elle. Elle était tellement joyeuse avant, toujours le sourire, le mot pour rire… - elle me tournait le dos, mais j’imaginais bien les larmes perler sur ses joues. Je pense que tu te souviens que vous cherchiez un boulot pour après la fac, ben quand elle s’est retrouvée seule, elle a abandonné les recherches. Elle a en sorte pris une année sabbatique, mais elle sortait à peine de l’appart, elle allait quelques fois à Calais, elle m’a dit qu’elle aimait bien « se balader sur la plage…
- Sentir le vent, entendre les vagues, avoir le goût du sel sur la langue et voir le sable s’envoler. Ça éveille les sens » … On y allait souvent ensemble.
- C’est ce que j’ai cru comprendre. L’année suivante elle a recommencé à chercher un boulot et elle en a trouvé un dans un lycée de Lille au bout de trois mois. Après ça elle bossait nuit et jour, elle ne faisait plus que ça. Quand j’allais la voir, elle m’adressait à peine la parole, elle me faisait presque peur tu sais. Elle ne changeait pas beaucoup physiquement même si elle paraissait très fatiguée, mais j’avais sans cesse l’impression qu’elle était ailleurs, elle ne m’écoutait même plus. J’entrais dans l’appart, je m’asseyais et au bout de 20 minutes je partais parce que ça ne servait plus à rien que je vienne, elle ne prenait même plus la peine de m’offrir à boire ou de me demander comment j’allais.
- C’était pas un accident hein ?
Silence.
- Non. »
[...]